Le Liège Game Lab, un collectif à la pointe des game studies
par Angelo Careri
Le Liège Game Lab, un collectif à la ...
par Angelo Careri

Le Liège Game Lab, un collectif à la pointe des game studies

par Angelo Careri
le 14 juillet 2021



De nombreux game labs ont essaimé ces dernières années dans la paysage francophone. Focus sur le très dynamique Liège Game Lab.

Depuis deux décennies, les game studies se font petit à petit leur place dans le paysage universitaire, avec plus ou moins de succès et de difficultés selon les pays et les ensembles linguistiques. Historiquement, c’est d’abord aux Etats-Unis et en Scandinavie que ce nouveau champ disciplinaire se structure, mais ces dernières années, plusieurs game labs ont également essaimé à travers l’espace francophone. Le Liège Game Lab, rattaché à l’Université de Liège, est actuellement l’un des plus actifs sur le terrain de la recherche en jeu vidéo.

Tout part ici de la rencontre entre plusieurs jeunes chercheurs et chercheuses rattachés à l’université de Liège : Fanny Barnabé, Björn-Olav Dozo, Bruno Dupont, Pierre-Yves-Hurel et quelques autres ont en commun des axes de recherche encore considérés comme « exotiques » à l’université. Ils et elles s’intéressent par exemple au jeu vidéo amateur, aux fan fictions, ou encore à l’évolution de la presse vidéoludique. C’est d’ailleurs autour de ce dernier thème que sera organisé, en 2016, un premier colloque qui sera l’occasion pour le groupe de se constituer officiellement en collectif de recherche. 

CityCraft : une formation du Liège Game Lab. Source : Pointculture.

Avec quel statut au sein de son université de rattachement ? « Aucun », répond malicieusement Björn-Olav Dozo, qui invoque le précédent du groupe µ, un collectif informel de chercheurs fondé dans les années 70 au sein de la même université. Car le Liège Game Lab, comme d’autres petites structures similaires, est aujourd’hui confronté à l’un des obstacles majeurs qui se dresse sur la route de celles et ceux qui œuvrent à ce que le jeu vidéo (comme le cinéma ou la bande dessinée) fasse enfin officiellement son entrée à l’université : l’indisponibilité des postes et la précarisation des chercheurs, résultat de décennies de coupes budgétaires et de libéralisation de l’université.

Pour créer un « vrai » laboratoire, habilité à dispenser sa propre formation, il faut en effet que plusieurs chercheurs titulaires (disposant d’un « vrai » poste) s’en réclament et en prennent la responsabilité. Or aujourd’hui ces postes n’existent pratiquement plus, la plus grande partie de l’activité universitaire en sciences humaines, enseignement compris, étant désormais prise en charge par des vacataires et des boursiers. 

>>> Lire aussi : Comment joue-t-on au jeu vidéo en France ?

Dans cette situation difficile, le Liège Game Lab a donc été obligé de faire preuve d’inventivité et de solidarité. Le cours qu’il dispense dans le cadre de la Faculté de Philosophie et Lettres, « Histoire et analyse des pratiques du jeu vidéo », est ainsi accessible à toutes et tous, et il est assuré à tour de rôle par tous les membres du collectif, ce qui a permis de souder le groupe et de développer un projet pédagogique cohérent. Une démarche qui se matérialise aussi à travers la création, cette année, d’un certificat inter-universitaire « Travailler avec la culture vidéoludique », plutôt destiné aux professionnels. Pour pérenniser son activité, le Liège Game Lab, qui reçoit désormais un petit financement annuel de la province de Liège, développe également des activités de consultance et de médiation, à travers des projets tel que LiègeCraft, qui utilise Minecraft comme plateforme de réflexion citoyenne sur la ville.

En multipliant les initiatives, le collectif s’agrandit désormais d’année en année et attire de plus en plus de doctorants et de doctorantes. Aux côtés d’autres jeunes structures similaires, avec qui les contacts sont réguliers – l’Expressive Game Lab à Metz, l’UNIL GameLab à Lausanne –, le Liège Game Lab témoigne de la vitalité d’un nouveau champ universitaire qui tente de s’organiser, dans un contexte très difficile pour la recherche. Avec pour objectif, d’ici quelques années, de parvenir à proposer des formations complètes sur le jeu vidéo à l’université.

Angelo Careri